Dans un monde qui a perdu tête et boussole (en a-t-il jamais durablement eues ?), il semble volontiers acquis que le pire reste à venir : alimentation, climat, eau, économie, énergie, environnement, finance, géopolitique, …
Face au tumulte planétaire incessant et aux drames qui se nouent ici ou là, que pèse la disparition physique du Centre tunisien de Ressources de l’économie sociale et solidaire, il y a un mois et moins d’un an après son inauguration, après que la délégation de l’Union européenne dans ce pays a décidé, fin 2021, d’annuler avant terme son financement d’amorçage ? Rien ou pas grand-chose. Et pourtant…
Aux artisans du pire, états guerriers, fanatismes religieux, spéculateurs et mercenaires de tout poil et de toute cause, l’ESS oppose l’une des rares réalités à ne jamais avoir eu de sang sur les mains, à (ré) concilier les inconciliables, à avoir souvent, si souvent, réparé les méfaits des autres. L’ESS c’est l’économie de la coopération, de la démocratie, de la solidarité, autant de principes bafoués au quotidien dans le désordre international. C’est, in fine, l’économie de la Paix : il ne peut y avoir de guerre lorsque des règles du jeu claires, coopératives et respectueuses de la personne humaine sont établies dans la fraternité ou la sororité. A Strasbourg, les 5 et 6 mai prochain, l’ESS européenne et internationale s’affirmera un peu plus comme un sujet politique à part entière. Elle affichera aussi sa volonté de lancer des ponts par-delà les mers et les océans du Globe.
Le septième et dernier comité de pilotage de progRESS Tunisie, qui avait pour mission de superviser ce programme de mise en place du Centre, a exprimé le 15 février, avec courtoisie et fermeté, sa surprise quant à une décision jugée incompréhensible et pénalisante pour le développement d’un écosystème performant de l’économie sociale et solidaire en Tunisie. Il a appelé à des médiations pour surmonter d’apparentes incompréhensions. Au moment même où la Commission européenne annonce un plan ambitieux de promotion de l’Economie sociale, sur son marché intérieur et dans ses politiques internationale et de voisinage, où commencent les préparatifs du Forum Mondial de l’ESS de Dakar 2023 et où la guerre redevient une réalité chez ceux-là même qui s’en croyaient libérés, les petites causes participent des grands effets. La Méditerranée, où tant de milliards ont été dilapidés pour des résultats incertains, est plus que jamais une région de clivages et d’hostilités. La disparition de DarESS serait une goutte de plus dans une mer de conflits explicites ou latents.
Actrices et acteurs de la Planète ESS, tunisien.ne.s et d’ailleurs, citoyens pacifiques du monde qui croyons encore à l’humanisme démocratique, nous appelons les principales parties prenantes concernées par ce dossier à sauver DarESS :
• les institutions européennes bien sûr, qui ont un devoir de cohérence sur une thématique, l’ESS, et un continent, l’Afrique, pourtant définis comme prioritaires pour son avenir. Des appels à la médiation ont été lancés dès décembre dernier, ils attendent une réponse ;
• l’Exécutif tunisien, en mutation permanente depuis 2019 et trop absent jusqu’ici de ce projet pionnier ;
• la société civile du pays, longtemps si friande d’engagement, souvent citée en exemple et qui apparaît parfois, 11 ans après la Révolution de Jasmin, résignée à l’inutilité de l’effervescence citoyenne ;
• la coopération internationale, si active en Tunisie et si peu encline souvent à s’évader du carcan de ses règles et de ses routines. Le monde qui se déchire devant nous invite pourtant à casser carcans et bureaucraties ;
• les têtes de réseaux et autres promoteurs de l’ESS dans le monde, en Europe et en Afrique, bien sûr, sur les autres continents aussi. Cette cause nous concerne tous ;
• iesMed, coopérative européenne pionnière de l’ESS en Méditerranée, de tant d’initiatives en Tunisie et porteuse du projet DarESS, pour ne pas baisser les bras malgré un coup très dur et continuer son combat de plus de 10 ans, en Tunisie et ailleurs.
La Tunisie a besoin d’ESS, l’Afrique a besoin d’ESS, la Méditerranée a besoin d’ESS, la Planète a besoin d’ESS : faisons-le savoir et défendons-là partout où elle peut croître et est menacée. Ce 21 mars est le jour du printemps. Ce sera, souhaitons-le, affirmons-le, le Printemps de l’Engagement Solidaire en Méditerranée, pour reprendre la belle formule étrennée lors de MedESS 2013 à Tunis et reprise par DarESS lors de son inauguration, voilà tout juste un an…
Nous avons toutes et tous plus que jamais besoin d’ESSpoir. Nous avons plus que jamais besoin d’engagement citoyen, seule réponse préventive à la violence d’Etat ou à celle des grandes corporations ou mouvances qui gangrènent notre planète. L’actualité est ailleurs ? L’actualité est partout où nous défendons, ensemble, le vivre ensemble et le bâtir ensemble.
Contact : sauvonsdaress@daress.tn
Pour suivre notre actualité perturbée :
Mobilisations locales Grandes mobilisations Créer une mobilisation Se connecter 