Les dispositions du nouveau projet de loi dit "Asile et immigration" proposé au parlement français s’inscrivent dans un mouvement de durcissement continu de la législation qu’on peut observer depuis les années 1990. Certains des technocrates qui sont aujourd’hui à la manœuvre étaient déjà présents lors de l’arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur en 2002.
Chaque président, chaque gouvernement et chaque ministre de l’intérieur, quelle que soit son étiquette politique, a mis en œuvre des réformes poussant au raccourcissement des délais de recours, à la mise en place d’un contrôle généralisé, avec une volonté quasi-fanatique d’expulser le plus grand nombre possible d’hommes, de femmes et d’enfants. De loi en loi, les droits de ceux qui vivent dans ce pays sans posséder un passeport de la bonne couleur ont été rognés.
Le nouveau projet de loi menace le droit d’asile dans sa substance même, en particulier par la suppression du caractère systématiquement suspensif d’un recours contre le refus d’asile, et par la réduction de 30 à 15 jours du délai pour former ce recours. Et ce alors même que ce délai devient de plus en plus nécessaire, puisque les demandeurs d’asile sont rarement francophones et que le projet de loi prévoit qu’ils seront répartis sur le territoire de façon autoritaire sous peine de se voir couper leur maigre allocation.
En même temps, le délai maximum de la rétention administrative est porté de 45 à 90 jours, ce qui en accroît tant le caractère punitif que le coût exorbitant. La politique d’expulsion massive des étrangers est la seule politique publique qui ne soit pas soumise à un audit systématique pour en apprécier le bien-fondé eu égard à son poids sur les finances publiques. Dans le même ordre d’idée, la retenue des personnes étrangères dans un commissariat passe de 16 à 24 heures et se rapproche ainsi de la garde à vue, en l’absence de toute infraction pénale.
Ces mesures portent une nouvelle atteinte aux droits fondamentaux des étrangers d’une ampleur jusqu’ici inédite.
Toutes les associations et organisations qui s’occupent d’asile et de migration à un titre ou à un autre sont opposées à ce projet de loi. Les rapporteurs de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) font grève pour demander son retrait. Chose très rare, le conseil d’État a même estimé qu’une nouvelle loi était « inutile » en raison de la complexification croissante d’un droit en perpétuelle mutation et en l’absence de tout recul sur les effets des deux précédentes lois sur l’asile en 2015 et le séjour des étrangers en 2016. Enfin, le Défenseur des droits estime, non seulement que ce projet de loi maltraite les demandeurs d’asile, mais qu’il est en outre irrationnel et sans rapport avec la réalité.
C’est pourquoi nous exigeons le retrait du projet de loi et l’abandon d’une politique migratoire aussi coûteuse que destructrice des droits et des personnes, axée uniquement sur la répression et l’expulsion