Un tel succès du parti de Marine Le Pen dimanche prochain nuirait en effet gravement à l'intérêt national. Il affecterait considérablement l'influence et l'image de notre pays en Europe, et donc notre capacité à peser en faveur d'une réorientation du projet européen. La France traînerait comme un boulet, cinq ans durant, le fait d'être le pays où un parti populiste d'extrême droite est arrivé en tête en récoltant près d'un quart des voix. Les partisans français d'une Europe plus solidaire, démocratique et transparente auraient alors beaucoup de mal à se faire entendre.
La victoire du FN légitimerait en outre des propositions irresponsables. L'euro et l'Europe d’aujourd’hui ne sont pas satisfaisants, c’est un fait. La crise des dettes souveraines a amplement souligné les défaillances de la monnaie unique et les insuffisances démocratiques de l'Union européenne ; les politiques d’austérité conduites à grande échelle et à contre-temps ont été une erreur coûteuse pour les peuples. Mais refuser l’Europe et sortir de l'euro précipiteraient la France et le continent dans une crise aux conséquences économiques et sociales encore plus graves et durables que celles de 2008.
Ce qui se joue aujourd’hui, ce sont à la fois notre avenir et la place de notre continent dans le monde et dans l’histoire. Si nous voulons être compétitifs dans la transition mondiale vers un modèle de croissance durable, réduire les inégalités et le chômage des jeunes, peser sur la scène internationale pour réguler la mondialisation, nous ne devons pas rejeter l’Europe, mais changer ses politiques. Cette élection nous en donne précisément l'opportunité : dimanche prochain, pour la première fois, nous allons pouvoir voter pour choisir non seulement nos députés européens, mais également le futur président de la Commission européenne. Saisissons cette chance !
Enfin un vote FN serait en pratique un vote stérile : comme par le passé, les élus frontistes s’illustreront par leur absentéisme et des ralliements opportunistes à des coalitions de circonstances. Les nouveaux élus municipaux du FN nous dévoilent déjà leur véritable agenda (refus de commémorer l'abolition de l'esclavage, éviction de la Ligue des droits de l'homme des locaux qui lui étaient loués...), qui reflète une profonde hostilité aux droits de l'homme et le refus de la diversité des sociétés européennes. Il en irait de même demain pour ses eurodéputés : le Parlement européen ne serait pour eux qu'une tribune et une source de financement.
Nous appelons donc chacun à bien mesurer l'importance capitale du scrutin de dimanche prochain, ainsi que l'impérieuse nécessité d'y participer et, ce faisant, de faire barrage à ce qui serait une lourde et coûteuse défaite collective.
Premiers signataires
Maya Akkari, élue municipale à Paris
Mehdi Thomas Allal, juriste
Martin Andler, mathématicien
Tristan Aureau, juriste
Alicia Bellance, présidente de l'antenne Terra Nova Martinique
Jean-Marc Borello, Président du directoire du Groupe SOS
Mathilde Bouyé, co-coordinatrice du pôle Europe de Terra Nova
Denis Burckel, professeur associé à Paris Dauphine
Marc Cheb Sun, éditorialiste
Jacques Claudé, coordonnateur du pôle "outre-mer" de Terra Nova
Arthur Colin, co-coordinateur du pôle "Europe" de Terra Nova
Christian Chavagneux, Alternatives Economiques
François Chérèque, président du conseil d'administration de Terra Nova
Fabien Chevalier, président de "Sauvons l’Europe"
Laurent Daudet, Professeur à l'Université Paris Diderot
Laurent Davezies, économiste
Xavier Desjardins, urbaniste, géographe
Guillaume Duval, Alternatives Economiques
Carole Ferrand, présidente d'honneur de Terra Nova
Bernard Fontaine, président de Terra Nova La Réunion
Philippe Frémeaux, président de l'institut Veblen
Jean-Patrick Gille, député d'Indre et Loire
Guillaume Hannezo, banquier d'investissement
Henry Hermand, membre du bureau de Terra Nova et cofondateur du « 1 »
William Leday, membre du bureau de Terra Nova
Gilles de Margerie, cadre dirigeant
Frédéric Massé, cadre dirigeant
Agnès Michel, consultante financière
Marc-Olivier Padis, rédacteur en chef de la revue Esprit
Bruno Palier, directeur de recherches à Sciences po
Thierry Pech, directeur général de Terra Nova
Thomas Piketty, économiste
Martin Richer, fondateur de Management & RSE
Christian Saad, vice-président de Terra Nova Guadeloupe
Laurence Scialom, professeure des Universités, EconomiX
Benoit Thieulin, directeur de la Netscouade
Jean-Philippe Thiellay, vice-président de Terra Nova
Xavier Timbeau, économiste
François Véron, dirigeant d'entreprise